La semaine dernière, la conférence “She Decides” a attiré 400 délégués, dont 20 délégations ministérielles, à Bruxelles pour discuter de l’impact de la “règle du bâillon mondial” du gouvernement américain et pour collecter des fonds afin d’aider à combler le déficit de l’aide au planning familial qui a été créé.
La règle du bâillon empêche les organisations non gouvernementales non américaines qui fournissent des services ou des informations sur l’avortement de recevoir des fonds publics pour leurs activités, ce qui risque de réduire l’accès aux services de contraception, aux soins de santé maternelle et à la prévention du VIH, entre autres.
Babatunde Osotimehin, directeur exécutif de l’Organisation des Nations unies (ONU). Fonds pour la population et ancien ministre de la santé du Nigeria. Il a déclaré à Devex que la conférence et le fonds ne concernaient pas l’avortement : “Il s’agit de la santé et des droits sexuels et génésiques – l’ensemble des services – et de l’autonomisation des femmes pour qu’elles prennent leur vie en main ; c’est de cela qu’il s’agit”, a-t-il déclaré.
L’avenir des contributions américaines à l’UNFPA étant également incertain, le Dr Osotimehin a parlé à Devex du rôle de la planification familiale dans la réalisation des objectifs de développement durable et de la manière de consolider les programmes en ces temps incertains. Voici les points à retenir de la conversation, édités pour des raisons de longueur et de clarté.
Quel rôle joue la planification familiale dans les objectifs de développement durable ?
Le planning familial est probablement l’intervention la plus importante que l’on puisse mettre en place dans une communauté, car il permet aux femmes de se prendre en charge. Et lorsque vous libérez une femme – lorsqu’elle peut faire des choix concernant sa vie – vous donnez en fait du pouvoir à ses enfants, à sa famille et à tout le monde.
Cela est lié à la question de l’égalité des sexes, qui est également au cœur des objectifs de développement durable, mais je pense que nous ne pouvons pas considérer la planification familiale de manière isolée. Il y a aussi la question de l’éducation des filles, la question de la santé et de la couverture universelle [des soins de santé], les questions relatives aux mariages précoces et forcés, afin qu’elles puissent prendre leur vie en main… la prévalence du VIH et l’utilisation de préservatifs pour l’éviter.
Au sein de la communauté du développement, nous pensons que le planning familial est l’une des interventions les plus efficaces en matière de développement humain, parce qu’il place la femme, la famille et la communauté dans une position totalement différente.
Quel est le lien avec l’objectif de mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes d’ici à 2030 ?
Cela en fait partie. Laissez-moi vous raconter l’histoire d’une petite fille de 10 ans. Lorsqu’une fillette de 10 ans va à l’école et apprend des informations sur son corps, puis décide à un moment donné qu’elle ne veut pas tomber enceinte, elle va à l’école et à l’université, puis décide de ses perspectives de carrière et de ce qu’elle veut faire. Pour ce faire, il faut lui donner des moyens d’action et lui donner la possibilité de se constituer non seulement un capital social, mais aussi un capital financier. Vous la sortez de la pauvreté.
J’utilise simplement cet exemple pour illustrer la trajectoire que suivent les informations et les services de planification familiale. Prenons le cas d’une femme qui est déjà mariée, qui a un enfant et qui a la possibilité de choisir le moment où elle aura le prochain enfant parce qu’elle essaie de monter une affaire. Pour elle, cela se fait avec l’aide du planning familial.
Ces dernières années, les États-Unis ont représenté près de 50 % de l’aide bilatérale à la planification familiale et ils sont également l’un des plus gros acheteurs et distributeurs de contraceptifs au monde. Compte tenu de l’importance du planning familial, y a-t-il un risque à dépendre d’un petit groupe de grands donateurs ?
Il y a un risque à s’intéresser à un petit nombre de donateurs. Le message qui a été transmis [lors de la conférence] était que nous devrions rallier beaucoup plus de personnes, petites et grandes, et encourager les pays du Sud à participer à ce mouvement. Ils devraient être en mesure d’investir dans des programmes dans leur pays de manière à ce qu’ils soient durables.
Ils évaluent leurs besoins, les comparent à ce qu’ils ont, et s’ils peuvent se le permettre, ils le dépensent, car il en va de la dignité et de la vie de leurs femmes. S’ils ne peuvent pas se le permettre, il existe des ressources pour compléter ce qu’ils ont. Mais il est essentiel qu’ils y investissent aussi de l’argent – de l’argent d’une manière générale, car il s’agit aussi de ressources humaines, de systèmes de chaîne d’approvisionnement, d’information et d’éducation. Mais pour que tout cela se produise, vous avez besoin d’une somme d’argent importante pour aller de l’avant.
Les contributions américaines au FNUAP ont, par le passé, été bloquées par des gouvernements républicains. Craignez-vous que cela ne se reproduise, et voyez-vous la résistance à l’aide au planning familial venir d’ailleurs ?
Je ne sais pas ce qui va se passer. Nous attendons la politique et nous espérons le meilleur. Nous essayons de faire en sorte que cela ne nous affecte pas, car il y a tant de choses urgentes à faire, que nous continuons à faire notre travail.
Ce que nous essaierons de faire, c’est de catalyser les programmes sur le terrain dans les pays de programme – pour leur permettre de venir à la table avec leurs propres stratégies, parce que c’est la chose la plus durable qui devrait se produire.
Ce que nous avons, c’est une approche de la société dans son ensemble. Les fondations, les organisations de la société civile, le secteur privé et les personnes fortunées joueront un rôle essentiel dans la réalisation de ces objectifs. [Mais le gouvernement a la responsabilité de veiller à la santé et au bien-être de ses citoyens.