Le projet de loi d’initiative parlementaire, `The Population Regulation Bill, 2019′, présenté par le député Shri Rakesh Sinha à la Rajya Sabha le 12 juillet 2019, appelle à des mesures punitives contre les personnes ayant plus de deux enfants vivants, y compris l’interdiction d’être un représentant élu, le refus d’avantages financiers et la réduction des avantages dans le cadre du système de distribution publique.
Le projet de loi propose également que les fonctionnaires s’engagent à ne pas procréer plus de deux enfants. Si la Population Foundation of India (PFI) se félicite de l’attention renouvelée portée aux politiques de stabilisation de la population, nous pensons que l’approche suggérée dans le projet de loi est malavisée et constitue une interprétation erronée de la trajectoire démographique de l’Inde.
Les données du gouvernement indien et des organisations internationales, y compris les Nations unies, révèlent une situation bien différente. Alors que la population indienne devrait dépasser celle de la Chine en moins de dix ans, selon le rapport des Nations unies “World Population Prospects 2019” publié en juin de cette année, les nouvelles projections pour l’Inde sont les plus basses depuis que les Nations unies ont commencé à établir ces prévisions. La raison en est la forte baisse du taux de croissance démographique de l’Inde sur une période de 10 ans, de 2001 à 2011. Selon le recensement de 2011, le taux de croissance de la population est passé de 21,5 % entre 1991 et 2001 à 17,7 % entre 2001 et 2011, tous groupes religieux confondus.
Nous sommes en passe de parvenir à une stabilisation de la population avec un indice synthétique de fécondité (ISF – nombre total d’enfants nés ou susceptibles de naître d’une femme au cours de sa vie) de 2,2, proche du niveau de fécondité de remplacement de 2,1. En outre, le taux de fécondité souhaité est de 1,8, ce qui indique que les femmes indiennes préfèrent ne pas avoir plus de deux enfants. 24 des États et territoires de l’Union indienne ont déjà atteint le niveau de remplacement de l’ISF de 2,1 grâce à l’autonomisation des femmes et à l’amélioration de l’éducation et des soins de santé. Cet objectif a été atteint grâce aux actions du gouvernement basées sur la politique nationale de la population (NPP) de 2000, qui visait à répondre aux besoins non satisfaits en matière de contraceptifs et de services en prônant une norme de famille restreinte sans adopter de mesures coercitives.
Il ne fait aucun doute que l’ISF varie considérablement d’une région à l’autre et, en 2016, le gouvernement indien a lancé la Mission Parivar Vikas (MPV) pour remédier à ces déséquilibres régionaux. Le programme fournit des services de planification familiale intensifs et améliorés dans 146 districts à forte fécondité et a élargi le choix des contraceptifs disponibles dans le système de santé publique en ajoutant trois nouvelles méthodes. Cela réaffirme les engagements pris par l’Inde lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) en 1994, qui soulignait la nécessité d’aborder les questions démographiques selon une approche fondée sur les droits de l’homme et mettait l’accent sur le fait que la norme de la famille restreinte peut être atteinte en garantissant l’égalité des sexes, en donnant aux femmes les moyens d’agir et en améliorant l’éducation.
Nous tenons à souligner que les besoins non satisfaits en matière de planification familiale sont encore importants : 13 % des femmes mariées âgées de 15 à 49 ans en 2015-2016, selon l’enquête NFHS-4. Cela représente environ 30 millions de femmes qui souhaitent retarder ou éviter une grossesse mais qui n’ont pas accès à des contraceptifs, ce qui les expose à un risque grave de décès ou d’invalidité pendant la grossesse et l’accouchement. Il est extrêmement important de répondre aux besoins non satisfaits en matière de planification familiale, car ils contribuent à une augmentation de 20 % de la croissance démographique.
En outre, l’Inde compte une forte proportion (environ 30 %) de jeunes – adolescents (10-19 ans) et jeunes (15-24 ans) – qui sont déjà ou seront bientôt en âge de procréer. Elles doivent avoir accès à des services de planification familiale de qualité, et en particulier à des méthodes de contraception d’espacement. Toutefois, les crédits budgétaires alloués aux activités de planification familiale ne correspondent pas aux besoins démographiques de l’Inde. Elle est restée à 4 % du budget de la mission nationale de santé depuis 2014-15 et seuls 60 % des budgets alloués sont utilisés. En outre, les allocations et les dépenses sont orientées vers la stérilisation des femmes (75 %) et seulement 3 à 4 % sont consacrés aux méthodes d’espacement des naissances.
Les mesures dissuasives consistant à refuser les avantages prévus par les programmes de lutte contre la pauvreté, tels que les céréales subventionnées dans le cadre du système de distribution publique, auront un impact sur les groupes les plus pauvres et les plus marginalisés de la population et aggraveront leur appauvrissement. L’étude économique de 2018 souligne que la “préférence pour le fils méta” – le désir d’avoir un enfant de sexe masculin – est à l’origine de 21 millions de “filles non désirées” en Inde. L’imposition d’une norme de deux enfants alourdira le fardeau des femmes, en raison des pratiques de sélection du sexe et des stérilisations forcées. Cela pourrait entraîner un recul des efforts de stabilisation de la population, comme cela s’est produit pendant la période d’urgence au milieu des années 1970.
La Fondation indienne pour la population appelle les décideurs politiques, les membres du Parlement et le gouvernement à réaffirmer l’engagement de l’Inde en faveur d’une approche de la planification familiale fondée sur les droits. La PFI appelle le gouvernement à augmenter les allocations budgétaires afin de garantir un plus grand choix de contraceptifs pour retarder et espacer les naissances, ainsi qu’un meilleur accès et une meilleure qualité des soins de santé pour les jeunes. Cela permettra non seulement d’améliorer la santé, mais aussi d’améliorer visiblement les résultats scolaires, d’accroître la productivité et la participation de la main-d’œuvre, ce qui se traduira à son tour par une augmentation des revenus des ménages et de la croissance économique du pays.